PANTHÉON : KING KESTER EMENEYA DÉVOILE SON PATRIOTISME, SON AMOUR DE SON PAYS DANS "MILONGA KWANGO" !
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PANTHÉON : KING KESTER EMENEYA DÉVOILE SON PATRIOTISME, SON AMOUR DE SON PAYS DANS "MILONGA KWANGO" !
Nous parlons de King Kester Emeneya au présent. Il s’est fait surnommer "Nkwa Mambu, Muntu Mukwabu, Muntu ya Zamani, Ya Mokolo Oleki bango, Docteur, le Nkukuta, le Grand Pétrolier ? Une chose est vraie, il est le King, Roi de Masatomo ! Sa chanson "MILONGA KWANGO" "Milonga Kwango" se situe dans la pure lignée « Emeneyienne » !
À Paris comme à Kinshasa, King Kester Emeneya m'appelait toujours "PDG". Je ne sais pourquoi. Mon amour et mon respect pour ce grand homme de culture sont incommensurables y compris aujourd'hui.
Jean Emeneya Nkua Mambu a réussi à inscrire son nom sur l'arc de triomphe de la musique KONGO en s’imposant avec sa voix, son style, sachant innover et ayant apporté aussi sa pierre de contribution dans cet art noble qu’est la musique.
Adopté par des Katangais et Lushois, Kester Emeneya faisait partie de la grande famille Mulongo. Depuis que Micha Mulongo l'a ramené de Lubumbashi à Kinshasa pour son entrée dans Viva la Musica de Papa Wemba, Emeneya Kua Mambu est resté proche de la famille Mulongo.
Il venait à mon bureau sur le boulevard du 30 juin à Kinshasa, quand et comme il voulait. Et je me rendais à sa maison blanche quand je voulais pour assister aux répétitions de ses jeunes. Lors du Bal Poussière de Réveil FM à la Halle de la Gombe, il avait parlé avec l'ambassadeur de France sur le concert de ses jeunes au Zénith.
King Kester Emeneya bien a toujours cherché à se distinguer par sa voix pentatonique, comme il le dit lui-même, c’est-à-dire chantant d’une façon déambulatoire entre la voix à la gamme haute à vous casser les tympans de Papa Wemba et celle lourde à la gamme très basse et parfois inaudible, proche du corbeau croassant, de Koffi Olomide. La chanson Sinza est là, il suffit d'écouter et réécouter.
Artiste de valeur et de renom, King Kester Emeneya est aussi connu comme le musicien qui parle et qui aime parler. Ses chansons sont souvent des histoires et des comtes.
Emeneya a la verve oratoire et le verbe facile, en bon français, fruit des années passées à l’Université de la Kassapa à Lubumbashi, comme il l’aime le souligner.
Une fois sur un plateau de télévision ou de radio, il aime analyser, critiquer, prendre à témoin, raconter, rappeler ; même ses chansons deviennent des historiettes introduites et commentées au point de dire que Kester Emeneya est le chef d’orchestre qui n’a pas besoin d’Atalaku et d’animateurs.
On sait que chez Kester Emeneya Kua Mambu, les paroles de ses chansons sont profondes et s’expliquent. Souvent, le musicien, comme tout artiste, communiquant avec les muses transcendantes et immanentes, donne souvent l’impression de rêver, de crever parfois. C’est à peine s’il est conscient du message qu’il délivre et surtout de sa profondeur. Il est inspiré et aspiré par des vibrations célestes.
MILONGA KWANGO dont la traduction serait « les business de Kwango » , dans le sens d’une « affaire compliquée à expliquer, à raconter, à comprendre » du village ou du faubourg de Kwango (en fait entre le Kwango et le Kwilu, c’est comme entre bonnet blanc et blanc bonnet). La chanson relate l’histoire d’un oncle « Ngwashi » habitant le village de Kwango (en fait habitant le bord de la rivière) qui lui écrivit une lettre en lui demandant de lui acheter un chien.
« Noko Akomi Mokanda Asengi Na Ngai Nasombela Ye Mbwa » : L’oncle m’écrivit une lettre me priant de lui acheter un chien.
Une fois le chien acheté et envoyé au village, l’oncle fit une grande fête et béni son neveu pour ce cadeau précieux, comme il est d’usage.
Façon pour King Kester Emeneya de renvoyer les mélomanes à l’école du village et de la tradition. Car, au village, avoir un chien de chasse est un trésor. D’ailleurs, le chien est vite envoyé à la chasse et ne tarda pas à revenir avec une gazelle. Hélas, subitement, l’oncle tomba malade. Avant que la situation ne puisse s’empirer, l’oncle écrivit encore une lettre urgente à son neveu habitant la ville, lui priant de sauter sur le premier véhicule afin de venir le voir avant qu’il ne s’éteigne. Car, il est de la nature de tous les grands de se savoir leur jour et le moment pour eux de quitter cette terre.
« Noko Akomeli Ngai Nakende Na Mboka Ayebisa Ngai Vérité Ya Mboka Na Biso, Zamba Mpe Na Mai, Bisobe Mpe Lokola » : L’oncle m’écrivit de nouveau me priant de rejoindre très vite le village pour qu’il me dise la vérité cachée au sujet de forêts, eaux et savanes nous appartenant.
D’où, cette volonté de raconter à son neveu, de sa propre voix, les grands secrets et vérités au sujet du lignage, des eaux, des forêts et savanes. Car, comme l’exige la coutume, si l’oiseau en mourant laisse ses plumes, un homme laisse son testament. Et, le testament, en ce qui concerne les secrets des familles, ne sont transférés que des oncles aux neveux qui en deviennent des héritiers. Est-ce une façon pour Emeneya de se savoir vrai détenteur et gardien d’un héritage ancestral ? S’agit-il du fameux Mungana Shalenge, chanté des Okosi ngai Mfumu, qui lui a appris d’ailleurs le refrain dans la « langue du village » : Munkar Ekob Mama, Mwana nga katu Mama e ! Une femme stérile, sans progénitures, qui pourra-t-elle envoyer souvent lui chercher de l’eau à la source ou du bois de chauffage ?
Hélas, le neveu qui se confond avec Emeneya lui-même, arriva grandement en retard, tout malheureux d’apprendre que l’oncle est décédé, tout en regrettant ne pas avoir pu parler à son neveu.
Pour le neveu, cette mort est d’autant plus grave qu’il ne connaît rien de l’héritage et des autres vérités au sujet des forêts et des savanes, des limites des concessions et des frontières, terres appartenant comme on le sait, à chaque clan et à chaque famille.
Ignorant tout de ces « MILONGA KWANGO » , il n’a plus que sa chanson pour étaler son regret. Dieu merci pour lui car, c’est pendant le deuil qu’il apprend ce qui relève souvent des secrets des familles, ce que l’oncle aurait pu vouloir lui transmettre, mais qu’il avait bien pris soin de transmettre aux tiers. Sans doute que le message est une demande pour que le neveu puisse se battre pour que justice soit rendue au sujet de ces biens inaliénables. Mais, le message qui est repris en refrain, est ce qu’il y a de plus révoltant.
« Bampika Na Beto Me Kuma Ba Mfumu. Bo Me kuma Ba Mfumu Na Ntwala Na Beto » : Nos esclaves sont devenus nos chefs. Ils sont devenus nos chefs et nous gouvernent en s’étant attribués tous les postes de commandement.
Plus grave:
« Bo Me kuma kutekila beto mfinda na mbongo. Bo me bikala kaka kuvukisa beto, mawa trop » : Ils commencent à nous faire revendre nos propres forêts. Ils ne leurs restent plus que de nous avilir et de nous assujettir, quelle histoire !
Le neveu se trouve ainsi entre le marteau et l’enclume. Mais, il ne lui reste plus que la chanson pour exprimer son problème qui devient une vraie tragédie puisque l’étranger, l’esclave d’antan devenu gouverneur, commence à vendre la forêt. Vrai sacrilège.
Démunie de ses terres, c’est ce qui contraint King Kester Emeneya à l’exil européen et ne revint que pour sortir un album le qualifiant de « Mboka Mboka » (troubadour, nomade).
Mais, il faudra analyser comment Kester Emeneya introduit la chanson pour se demander si l’artiste ne fut-il pas inspirer par une muse nationaliste pour qui la terre est une valeur et un bien inaliénable.
Ancien étudiant et sachant le rôle de ceux-ci dans l’interprétation des textes et surtout dans l’opposition aux dictatures, King Kester Emeneya ne trouve pas mieux que de les inviter par ce cri de ralliement des étudiants : « Camarades « D », Camarades « Oh » !
Mais, il sait comment les pouvoirs ont toujours réprimandé les manifestations et contestations des étudiants, il les mets déjà en garde :
« Mvula Manoka, Matanga Makita te » : Qu’il pleuve ou qu’il neige, les gouttes d’eau seront suspendus sur la voute céleste sans tomber sur terre.
Ceci fait songer à une autre phrase lapidaire de l’alter ego de Kester, Koffi Olomide, lorsqu’il dit que nous sommes dans un système de l’enfer :
« Tozali na système ya lifelo. Moto ez’opela kasi toz’ozika te » : Nous sommes dans le système de l’enfer. Il pleut, mais le feu ne nous consume pas.
Kester Emeneya Nkua Mambu est cependant sûr avec son orchestre Victoria Eleison devenu aussi Dream Team, Dream Band. D’où, les cris :
« Tokonyata Bango Nyonso » : Nous les mettons tous hors d’état de nuire.
Et pour cause, il est sûr de lui avec le soutien de ses fans dont nombreux ont des dédicaces dans la chanson.
« Milonga Kwango » : nationalisme ou snobisme ?
Cherchant à découvrir les motivations ou les sources d’inspiration de la chanson, il sied de savoir que King Kester Emeneya est un enfant de cette contrée du Bandundu bastion de la rébellion Muleliste des années 64 , triangle formé par les villes de Kikwit, Idiofa et Gungu. Il est ainsi possible qu’il subsiste toujours en lui quelques velléités de nationalisme, de snobisme, comme tout ressortissant du « Mayumbu », et de rébellion innée, parfois inconsciemment ou involontairement.
Même cherchant à l’étouffer, il n’est pas impossible que le subconscient, dans son travail de rattrapage qu’on lui reconnaît, puisse échapper et trahir son homme, jouant à une soupape de sécurité mentale. D’où la question : King Kester Emeneya se situerait-il dans la pure lignée des nationalistes et défenseurs de la terre pour qui la terre est sacrée et inaliénable ?
D’ailleurs, au sujet de cette terre, il prend son « petit » Werrason à témoin en le rassurant dans une autre chanson-pamphlétaire : « Mopaya Akoki Kosomba Zamba Te » dans Washington de l'album Longue histoire.
Trahissant encore leurs origines de ressortissant du « Mayumbu » (Ville de Kikwit), ils savent la valeur du village natal et de sa petite forêt autour où s’érige notamment le cimetière, le verger, les cases anciennes, où on n’y va pour consulter devins, guérisseurs et féticheurs sachant des herbes et plantes médicinales et parfois aux valeurs magiques.
Il faudra relire Zamenga Batukezanga dans « La pierre qui saigne » pour saisir la haute portée du « Mayumbu », c’est-à-dire la forêt du village.
D’ailleurs, pour montrer le sens profond de ce message codé et codifié, message secret lui transmis au village et repris en refrain par un chœur, King Kester Emeneya fait chanter ce refrain en Kikongo, la langue du terroir, comme quoi, le message à caractère de secret et ne peut se transmettre et se décoder que par des initiés et lui Kester Emeneya, à la manière des autres chansons puisées dans le folklore de « Mayumbu » en usant cette langue locale, manifeste ainsi son caractère non-étranger, représentant et héritier des anciens et des oncles partis depuis.
D’ailleurs, en abordant le refrain, King Kester Emeneya change directement le rythme, pour montrer la rupture de l’histoire qu’il était en train de raconter et le caractère sacré et profond du refrain.
Comme quoi, la longue histoire est toujours en route. Car, comme il posa lui-même la question dans une autre chanson : « L’arbitre siffle-t-il la fin de la partie lorsque le ballon est troué en plein match ? ». King Emeneya Kester, si l’on en croit à cette chanson, est un nostalgique de sa terre et de son terroir. Il invite à la prise de conscience nationaliste et le message demande à être écouté par deux fois, sinon « Mawa Trop !».
Certes, une seule chanson ne ferra sûrement pas de lui nationaliste et patriote, dommage qu’il n’a plus continué sur le ton et le thème.
MILONGA KWANGO est, modestement, une contribution à l’hymne de la terre, du pays, de la nation. Et lorsqu’on doit se souvenir que la chanson est sorti en mars 1997, c’est-à-dire lorsque M'zée Laurent-Désiré Kabila et son AFDL avait déjà franchi le fameux verrou de Kisangani, on peut affirmer, avec le développement de ce qui va s’en suivre (jusqu’à ces jours d’ailleurs) que Kester Emeneya Nkua Mambu fut un petit prophète et que la chanson aurait pu devenir un hymne national de la lutte nationaliste.
Ne s’est-il inscrit dans la lignée de Franco Luambo, le Grand-maître, qui avait jadis chanté « Loi Bankajika » ? Réécoutons les strophes commençant par « Likambo Ya Mabele » pour dire qu’il s’agit bien de l’épineux problème à ne jamais négocier de la terre, de la patrie, du territoire national, de la nation.
Pour ne pas faire paraître King Kester Emeneya d’être un opportuniste avec un petit morceau aux airs nationalistes, il faudra nous rappeler qu’il avait aussi composé jadis une belle chanson de « Congo, mon beau pays » dans l’album « Never aigain », plus jamais.
Quant à « MILONGA KWANGO », tant que la terre n’est pas encore reconquise, place-t-elle le mélomane, le musicien, l’homme KONGO dans une errance continuelle, faisant de son combat désormais devenir une « longue histoire », lui donnant l’impression, comme les sont les crises politiques KONGO des « jours longs ».
Ainsi va et veut la musique KONGO, qu’elle avance, recule, éveille, dribble, marque des buts et des points, qu’elle fasse sauter, danser, trémousser. Mais, peut-être que nous en tirerions plus profit lorsqu’elle se mettra à nous édifier, à nous accompagner à la méditation transcendantale et immanente, comme le fait Kester Emeneya dans « MILONGA KWANGO ».
Nous avons un impérieux devoir de creuser les plastiques, la forme, pour pénétrer le contenu, les paroles. Le musicien, conscient, commencera à écrire ses chansons, à devenir artiste, à versifier, à prophétiser, à accompagner les luttes, à vilipender la médiocrité, à ne plus chanter
le politique pour rien, à se lancer dans la satire, à devenir en fait ce que nous attentons de lui : l’objecteur des consciences, le peintre de la société, la créateur des paradigmes moraux aidant la société elle-même à se tenir debout et à avoir la tête au dessus de ses épaules.
Sinon, c’est une musique vers la perdition, de l’opium, de la crasse, du bruitage, du vide. Jamais homme ne la soutiendra et son homme, le musicien, restera éternellement dans le trottoir et dans le faubourg.
C’est un long chemin où rien ne sert à courir, il faudra partir à point. King Kester Emeneya a d’ailleurs raison lorsqu’il pose la question : « Est-ce que l’arbitre siffle-t-il la fin du match lorsque le ballon est troué ? »
Freddy Mulongo Mukena
Réveil FM International